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Commentaire sur l’anniversaire 2018 de Tchernobyl et Fukushima.

Cette année, je vais arranger le traditionnel anniversaire de Tchernobyl avec celui de Fukushima. Ce ne sont pas mes photos. Je ne suis jamais allée au Japon. Des visiteurs de mon site me demandent s’il est dans mes intentions d’aller au Japon. Pas vraiment. La plupart des ukrainiens ne voyage que dans un sens, pour trouver du travail et y rester pour de bon. Ce serait la seule façon de faire pour moi et j’ai peur que le Japon ne soit pas le meilleur endroit où déménager. En fait, aller de Tchernobyl à Fukushima serait d’une drôlerie stupide, comme vendre mon billet sur le RMS Lusitania pour en acheter un sur le Titanic.

J’inclus Fukushima dans mon anniversaire parce que ne vois aucun anniversaire cette année. Silence malveillant. Personne n’a visité cet orphelin pour son anniversaire alors je suppose qu’il est temps pour moi de m’occuper un peu de ce problème.

L'image de gauche montre qu'à Fukushima la piscine du combustible usé était située sous le plancher de service, en haut du réacteur. La photo de droite est celle du réacteur n° 3. Les principaux medias et les experts du nucléaire disent tous que les piscines de combustibles usé de tous les réacteurs sont intactes. Ce qui est intéressant est que les autorités pensent que les "mots" peuvent remplacer ce que voient nos yeux. Les photos des autres réacteurs détruits montrent pareillement que les piscines de combustibles, placées en haut des bâtiments, n'existent plus. À moins que les piscines, comme un acrobate des futurs Jeux Olympiques, n'aient exécutés un salto mortale et soient retombées dans les réacteurs, je ne vois pas comment les barres de combustible usé peuvent encore se trouver dans les réacteurs.

Si les barres de combustible usé ne sont pas dans les réacteurs, elles doivent être quelque part dans l’atmosphère. La quantité de combustible de ces trois piscines était presque la même que celle du réacteur n°4 de Tchernobyl (200 tonnes). À Tchernobyl, nous ne savons pas quelle quantité de combustible s’est échappée mais, à Fukushima, il est évident que toutes les barres de combustibles des piscines supérieures des trois réacteurs ont été volatilisées. Avec ces seules piscines, la situation est déjà pire qu’à Tchernobyl parce que plus le réacteur est vieux et plus il contient de Plutonium et la centrale nucléaire a fonctionné plus longtemps et est plus importante que celle de Tchernobyl. En plus de cela, le réacteur n°3 de Fukushima utilisait du combustible MOX, composé de plutonium mélangé à de l’uranium naturel.

Ils ont déjà collecté 10 millions de sacs pesant chacun 1 tonne et ils n’ont nettoyé que 1%, peut-être 2%, du territoire empoisonné par les radiations. Ce n’est évidemment que du spectacle.

Quand ils auront nettoyés 5% de la région, les premiers sacs commenceront à de désintégrer et contamineront de nouveau l’endroit. Nous voyons que des arbres poussent déjà au travers des sacs. Les endroits fraîchement nettoyés seront à nouveau contaminés par les cœurs des trois réacteurs et par l’océan qui rendra de qu’il avait en dépôt. Les radiations migrent avec les vents, les incendies, les fortes pluies. À Tchernobyl, dans la décennie qui a suivi l’accident, ils ont aussi essayé de racler les sols et de construire de nouvelles routes, même de nouvelles villes et villages. Tous ces projets, dont les seuls résultats en tripotant ces radiations étaient d’exposer au cancer les ouvriers du nettoyage, ont été abandonnés.

Voici une carte de l’empoisonnement par le Plutonium de la partie ukrainienne de Tchernobyl. Une carte très précise si quelqu’un l’utilise. Dans les endroits en rouge ou orange, il n’y a plus de vie et il n’y en aura plus jamais. Vous voyez du rouge, alors ramassez vos affaires et partez. Il existe plusieurs types de Plutonium et tous ont de méchantes filles mais, comparés au Plutonium-239, les autres éléments chimiques ne sont pas les rois sur la scène de la vie réelle, car c’est le Plutonium-239 qui régnera pendant des milliers d’années. Il est extrêmement toxique et hautement réactif chimiquement, la demi-vie du Plutonium-239 est de 24.000 ans. Beaucoup pense que le réacteur de Tchernobyl contenait 1000 kg de Plutonium, dont la moitié était du Pu-239. À Fukushima, la quantité de Plutonium relâchée dans l’océan est inimaginable. L’année dernière, ma fille et moi avons réalisé une vidéo appelée « Le moindre mal ». Avec cette vidéo, nous voulions montrer que dans notre monde, où tout est incomplet et éphémère, la contamination au Plutonium est la seule chose à être stable et immuable.

Les piscines de combustible usé absentes de la partie supérieure des réacteurs de Fukushima ne représentent qu’une partie du désastre. Nous ne savons pas ce qui est arrivé aux autres piscines. Nous ne connaissons pas l’état du réacteur fondu qui n’a pas explosé et, pire encore, nous ignorons où se trouve les cœurs de tous les réacteurs détruits.

Je crois que l’océan Pacifique a maintenant surpassé Tchernobyl. En fonction des courants et des produits chimiques, il y aura des zones mortes ou à moitié vivantes, quelques restes de vie marine, des maisons vides, coquilles brisées, etc. La plupart ne voit pas cela ou s’en moque. Tout comme personne ne voit et ne se soucie de Tchernobyl, mais comment pouvons-nous nous attendre à ce que les gens voient ce qui se passe sous l’eau quand ils ne voient même pas ce qui se passe sur terre ?

Cette photo est une de ces photos de propagande qui rendrait très fier et peut-être un peu jaloux aussi Joseph Goebbels. Reuters affirme que les résidents pêchent dans le port proche de la centrale de Fukushima Daiichi. C’est là que TEPCO déverse tant de produits chimiques que l’eau est devenue un dissolvant. J’aime cette photo, j’imagine que l’un dit à l’autre pêcheur : comment veux-tu attraper du poisson dans cette eau qui dissout ton ver au lieu que le poisson morde à l’appât ? Cette eau n’est bonne qu’à développer des films, qu’à dissoudre la peau… des choses comme ça.

Des sociétés perdent des territoires dans des accidents atomiques comme des gens amputés, la seule différence est que des amputés, dans la rue, collectent de l’argent en montrant leur absence de membre aux gens, alors que les pays amputés d’une région reçoivent de l’argent pour ne pas la montrer. L’Ukraine reçoit de l’argent du FMI et autres fonds pour cacher les problèmes de Tchernobyl et non pour les résoudre.  En Union Soviétique, des défilés milli-roentgen ont été organisés pour faire croire aux gens qu’ils allaient bien et, après Fukushima, nous avons perdu l’océan Pacifique, ce qui mutile toute la planète. Une planète Terre amputée qui lance bientôt un grand spectacle nécessitant des efforts communs. Ce spectacle s’appelle les Jeux Olympiques.

Sur cette photo de Google Earth, nous voyons que les sacs sont stockés sur le futur site olympique. J’espère que les joueurs ne donneront pas de trop gros coups de pied dans la balle, sinon ils risquent de frapper les sacs de plutonium. Je suppose que pour obtenir des balles à partir des sacs, ils feront appel aux experts de TEPCO.

Une autre photo Google Earth. Vous y voyez que l’agriculture, à Fukushima, nécessite de l’espace supplémentaire pour y stocker les sacs de déchets des terres agricoles, mis au rebut. J’ai vu la même chose à Tchernobyl quand, dans une caserne de pompiers, ils ont raclé la terre, apportant de la nouvelle terre noire pour y cultiver des légumes. Au printemps suivant, le potager a été de nouveau contaminé. Les pompiers de Tchernobyl ont abandonné l’expérimentation, ils ne cultivaient que pour eux-mêmes mais, à Fukushima, on cultive pour l’exportation. Je pense qu’ils n’abandonneront jamais.

Une anecdote, pour terminer cette histoire. Dans un quartier animé de Tokyo, un type vend des collations dans sa boutique. Entre autres, il a des produits alimentaires en provenance de Fukushima. Un client curieux lui demande si son affaire est contre les règles du marketing ? Vous devriez vendre vos produits de Fukushima sans faire de publicité, comme notre gouvernement exporte le riz de Fukushima vers d’autres pays… ce à quoi le vendeur répond : je dois bien informer de l’origine des aliments pour que mes clients sachent quoi acheter pour eux-mêmes et quoi acheter pour leurs directeurs.

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