Epilogue de mes photoreportages et vidéos de Tchernobyl
Mon intérêt pour Tchernobyl a commencé en 1992, quand j'ai voyagé pour la première fois dans des villages biélorusses au nord du réacteur. J'avais 18 ans et j'ai été impressionnée. Ce qui m'a le plus marquée a été la sombre beauté de ces endroits ; une beauté que les autres ne pouvaient voir.
Quelques années plus tard, j'achetais ma première moto et Tchernobyl a été ma destination préférée. Depuis 1998, je postais sur des forums motocyclistes d'Internet mes photos de Tchernobyl. François de la Rochefoucauld disait que nous aurions souvent honte de nos bonnes actions si on considérait toutes les raisons sous-jacentes qui nous les faisaient faire. Mes motivations sous-jacentes à poster des photos de Tchernobyl sur l'Internet étaient le plaisir de taquiner et divertir les amis de la communauté motocycliste. Beaucoup de motards ne pouvaient que rêver rouler dans des endroits totalement déserts sans aucun risque de heurter quelque chose de vivant. Dans les années 90, les routes de la Zone Morte étaient assez bonnes et je n'ai jamais eu de problèmes avec la police. Les gars des postes de contrôle savaient que j'étais la fille d'un scientifique, alors ils me laissaient traverser les points de contrôle.
Beaucoup de mes photos de cette époque naviguent encore sur l'Internet. Je ne me souviens pas comment mes photos et mes récits sont apparus sous une forme organisée. Je crois que quelqu'un, sur un forum, a rassemblé des photos et mes commentaires et les a mis en ligne.
Le matériel a ensuite été transféré depuis des forums de motards vers mon site Web Angelfire, je l'ai appelé "Ghost Town". Mon site est devenu très populaire en 2002-2004 et c'est là que les soucis ont commencé. Mon compte a été bloqué et j'ai perdu le contrôle de mon site Web. Des journaux du monde entier ont commencé à écrire que j'étais un truc commercial, une publicité pour un jeu vidéo, un nom de programme graphique, etc. A la maison, j'ai eu des ennuis avec les autorités, certaines personnes et la police me cherchaient et j'ai dû changer de lieu de résidence.
J'étais fière, c'était comme si ma pierre avait atteint le monstre directement dans l'oeil. L'effet positif est que j'avais réussi à rappeler au monde l'existence de Tchernobyl qui, à ce moment-là, était complètement oublié. En 2004, je n'étais pas informée de toute cette politique qui était derrière Tchernobyl, donc je ne pouvais pas comprendre pourquoi ma "Ville Fantôme" était attaquée et pourquoi beaucoup de gens n'appréciaient pas mon travail. Maintenant, je comprends, c'est parce que Tchernobyl a été créé par l'homme et qu'il ne finira jamais.
J'ai quitté les forums de motards et pendant six mois je n'ai plus rien fait. J'attendais que l'orage soit passé avec l'espoir de pouvoir reprendre une vie normale. Je pensais que c'était la fin de l'histoire et cela m'ennuyait. Je n'ai pas pu trouver la paix et finalement j'ai réalisé que je ne pouvais pas tout laisser tomber comme cela. Je me sentais comme si mon histoire était inachevée. C'est le sentiment que j'avais durant toutes les années de mon travail sur Tchernobyl. Mais, peut-on terminer l'histoire d'un désastre qui n'a pas de fin ?
J'ai réactivé mon site Internet, attrapé mon appareil de photos, ma moto et j'ai repris mes voyages à travers ces terres désolées pour poursuivre avec la deuxième partie de l'histoire de Tchernobyl, "la Terre des Loups".
Plus ils essayaient de discréditer mon site et plus je travaillais dur pour faire de nouveaux reportages.
Tchernobyl a toujours été mon loisir et je n'ai jamais écrit pour de l'argent.
Depuis 2004, les choses ont changé pour moi à Tchernobyl. Je n'ai plus jamais eu l'autorisation de visiter la Zone Morte. On m'a refusé l'entrée et mon nom était sur la "black list" à chaque point de contrôle. J'ai toujours voyagé illégalement… me faufilant dans la zone interdite. Me cachant de tout le monde, fuyant la police et les radiations. J'ai eu de la chance, je rentrais à la maison avec de nombreuses photos, des vidéos, de nouvelles impressions et expériences. J'aime la philosophie et j'ai de la passion pour elle. À Tchernobyl, j'ai trouvé une inépuisable mine d'or de réflexions qui est la plus précieuse pour moi.
Plus jeune, j'ai été assez imprudente avec ma vie et j'étais souvent à la limite de la conduite dangereuse et d'autres choses. J'ai eu de la chance d'y survivre et je me disais que Pluton, le dieu des morts, me faisait crédit. Cela a continué jusqu'à ce que je découvre Tchernobyl, la maison de Pluton et son royaume de la mort. Cela m'a calmée, parce que, à Tchernobyl, pour rester en vie il faut penser et respecter les règles. Mon instinct de conservation était réveillé. Je suis certaine que sans Tchernobyl, je serais morte. Tchernobyl m'a rendu mon bon sens et est devenu pour moi une source d'inspiration. Il est devenu le but de ma vie. Ironie du sort, Tchernobyl m’a sauvé la vie alors qu’il en a pris tant d’autres. Cela peut sembler étrange, mais cela ne le sera pas si nous nous rappelons que Yama, le dieu brahmane de la mort, a deux visages, l’un très amical et l’autre très sombre. En sanskrit, son nom signifie "jumeau". Je suppose que j’ai eu de la chance de voir le visage amical des "jumeaux".
Ces jours-ci, je voyage souvent au travers de cette terre désolée avec un groupe d'amis et ma famille. Entre nous, nous avons une grande variété d'intérêts pour Tchernobyl, allant de l'exploration des radiations dans la partie inférieure de la troposphère à la collecte d'organismes génétiquement modifiés. Dans la période 2016-2018, ma fille s'est jointe à nous lors de plusieurs de ces voyages, je l'assiste en lui fournissant du matériel pour le blog vidéo qu'elle publie.
La plupart des participants de mon groupe sont des scientifiques à la retraite. Un jour, Einstein a dit "La science est une chose merveilleuse quand on n'en a pas besoin pour vivre". C'est vrai. Chacun, dans mon groupe, commence à aimer explorer Tchernobyl une fois à la retraire et moi, j'apprécie toute ma vie.
Cette photo montre ma voiture de Tchernobyl, "à l’ancienne" de l’époque soviétique, avec notre groupe à l’intérieur. Je conduis seulement cette voiture à travers les endroits les plus contaminés de la zone dévastée, puis nous l’échangeons pour notre voiture de tous les jours. Maintenant cette voiture est celle de Pluton. J’avais l’habitude de la garer dans ma base de Tchernobyl. Dans mon photoreportage intitulé "Les dernières personnes", j’ai narré l’histoire de mon ancienne base et ces amis chers qui y vivaient. Malheureusement, cette base et ces personnes chères, n’existent plus.
Cette voiture était en vente dans un village voisin, mais personne ne voulait l'acheter parce que le propriétaire de cette voiture était mort dans des circonstances suspectes. En fait, alors que certaines voitures ont des options supplémentaires, celle-ci était proposée avec années de mauvais karma. Le premier propriétaire de cette voiture était un colonel du KGB à la retraite et c'était sa voiture de fonction. On a raconté que des gens avaient été torturés dans cette voiture, que des gens avaient fait un aller-simple vers des prisons et des hôpitaux psychiatriques dans cette voiture... Ces propos décourageaient tous les acheteurs potentiels. Mais mon ami n'en dormait plus : il pensait sans cesse à l'achat de cette voiture. Son passe-temps était de rénover ces vieilleries. Un matin, il s'est décidé et a dit qu'il voulait acheter ce vieux clou, le restaurer et le donner à notre groupe que nous puissions nous déplacer confortablement lors de nos visites à Tchernobyl. J'étais excitée. Je me disais qu'une voiture avec un tel sombre passé correspondrait parfaitement avec la malveillance de Tchernobyl. Cela ferait un beau cadeau pour Pluton ! Le seul problème était que l'un d'entre nous devait devenir le nouveau propriétaire officiel de cette voiture, mais qui voudrait devenir le propriétaire d'une voiture dont les précédents propriétaires, selon la légende du village, avaient quitté ce monde comme un troupeau d'oies. Aucun volontaire, alors j'ai proposé d'en partager la propriété entre nous et de voir de qui se passerait. Nous avons dupliqué les clés pour que chacun ait sa propre clé. Mon ami a acheté et restauré cette voiture et j'ai fourni un endroit où la garer. Un autres gars la conduisait lors de nos voyages et la voiture a été enregistrée au nom de la quatrième personne de notre groupe. Ainsi, personne en particulier ne pouvait ne pouvait être considéré comme le propriétaire de cette bête fatidique. J'avais raison dans le fait que cette vieillerie a été la bienvenue et bien accueillie à Tchernobyl. Il y a eu quelques problèmes mineurs, mais mais sans aller bien loin. En fait, la plupart des incident pouvaient être réparés en cours de route. De plus, la police ne confisquerait pas de vieux véhicules radioactifs dont la valeur est nulle. Cette vieillerie n'aura jamais plus de nouveaux propriétaires : elle appartient à présent à Pluton. Après un demi-siècle de tortures, elle a enfin trouvé la paix. Maintenant, elle ne fait plus que torturer les mécaniciens automobiles, car ils ont déjà oublié comment travailler avec une clé à molette et un marteau. Une fois, un mécanicien dans un garage a trouvé deux microphones cachés derrière le panneau d'une porte. "Qu'est-ce que c'est que ça ?" a-t-il demandé. "Ce n'est rien, seulement quelques souvenirs du passé" ai-je répondu.
Dans la vidéo "Le moindre mal" (Ghost Town 12), je conduis cette voiture. Lors de cette vidéo, j'ai revu un village de Tchernobyl après 12 ans dans le but de mesurer le rayonnement actuel et de voir s'il y avait des changements des taux de radiations. J'étais persuadée qu'il n'y aurait pas de changement parce que, en consultant les cartes, je savais que cette zone était empoisonnée avec du Plutonium-238 et 239 et 240. Le Plutonium a été appelé ainsi d'après Pluton. Ce seul nom suggère qu'il n'y a aucune chance que la région se rétablisse. Il pourrait y avoir des changements positifs si, par exemple, la zone n'était polluée qu'avec du Césium-137 dont la demi-vie est inférieure à 30 ans alors que la demi-vie du Plutonium-239 est supérieure à 24.000 ans. Les zones lourdement contaminées par le Césium, à long terme, seront mieux loties que celles légèrement contaminées par le Plutonium, comme celle sur la vidéo. Habituellement, quand une région reçoit une dose létale de Plutonium, elle est rayée de la carte, personne ne se soucie de la quantité supplémentaire de Césium. Tout comme une peine de prison supplémentaire n'aura d'effet sur quelqu'un condamné à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.
Dans la vidéo "Pile ou face", un poulain mutant à 8 pattes a des lampes installées à la place des yeux. Il y a davantage à dire sur cette histoire. Ceux qui avaient pour habitude de récupérer des mutants à Tchernobyl organisaient des visites non-officielles dans la zone morte. Ils devaient gagner de l'argent pour payer les frais de voyage et acheter plus de mutants aux agriculteurs et aux gardes forestiers... ils devaient payer des médecins avorteurs illégaux pour des embryons humains déformés, payer les services d'embaumeurs ou de taxidermistes... pour tout cela il fallait de l'argent et c'était longtemps avant que l'industrie du tourisme ne démarre à Tchernobyl. Ils avaient besoin d'une sorte de site d'attraction touristique. À un moment, ils ont eu l'idée de créer un Disneyland de Tchernobyl. Ils disaient en plaisantant que dans leur Disneyland à taille humaine, Mickey Mouse et Donald Duck seraient réels. Cette idée n'a pas fonctionné, mais quelques mannequins ont encore des lampes et des fils à la place des yeux. Mr Konovalov a apporté son soutien à ce projet, il a toujours essayé de mettre ses mutants à la disposition du public. Il gardait des veaux à deux têtes sur le balcon de son appartement à Zhitomir, ce qui tendait les relations avec ses voisins. Après qu'il ait perdu son emploi et déménagé, le quartier a poussé un soupir de soulagement. À la fin de sa vie, il a été obligé de se débarrasser de sa collection. Il a annoncé qu'il avait enterré plus de 100 morceaux de mutants quelque part dans les bois. Eh bien, je suis sûre qu'il a fait cette annonce uniquement pour les medias. Sa collection était l'ouvrage de sa vie et un homme comme Mr Konovalov ferait n'importe quoi pour sécuriser son travail et le protéger contre des recherches plus poussées. Avec cette annonce, il a seulement terminé d'en faire la promotion.
La vidéo "Cherny nocturne" est le fruit de notre voyage en moto. La nuit est le moment le plus sûr pour voyager. Personne sur les routes, Aux points de contrôle, ils dorment. Le seul problème est qu'il faut du temps pour s'habituer à cet endroit menaçant. Sans voiture, sans arme, sans instrument de vision nocturne, celui qui part pour la première fois dans un voyage de nuit à Tchernobyl vivra une expérience effrayante. On se sent sans aucune protection. Il y a toujours quelque chose proche, vous l'entendez mais dans une obscurité totale vous ne voyez rien et avez le sentiment d'être toujours observé. Comme la nuit dans la jungle, il n'y a pas d'endroit où se cacher. Les bâtiments sont davantage des pièges que des abris et le cliquetis sinistre du compteur Geiger ne vous rassure pas. À Tchernobyl, la nuit conduit les humains à un niveau de peur que les gens n'ont pas rencontré auparavant. Cela peut aussi être lié au sentiment d'être une proie en danger imminent. La peur primaire fait que les humains ne souhaitent plus que de sortir de cet endroit maudit au plus vite. Ma fille, comme on peut le voir dans sa vidéo "Ghost Town 13", était mal à l'aise, mais elle ne ressentait pas cette peur primitive et profonde. C'est parce qu'elle est encore à l'âge où les enfants sont toujours sous la protection parentale. Son instinct de survie n'est pas actif et elle a pu filmer sa vidéo sans trop trembler. Une fois, un passager que j'avais emmené pour un voyage nocturne à Tchernobyl m'a dit qu'il fallait avoir soit une arme à feu soit des griffes.
Il y a beaucoup de fric à faire dans l'industrie de l'énergie nucléaire et cela attire naturellement de puissants intérêts politiques et financiers à gros budgets qui se moquent pas mal de la sûreté des réacteurs et de la santé de la population. Leur seul souci est de faire du profit en trayant la vache, alors ils la harnachent, l'encouragent de coups de fouet et la traient sans retenue… le résultat est toujours le même – avec le lait ils essorent le sang.
Je ne suis pas une activiste pro ou anti-nucléaire, je ne suis qu'une auteure pro-humanité qui croit que Tchernobyl marque le début de l'empoisonnement de notre planète par les radiations. C'est le premier élément sérieux dans l'histoire des cas, et le but de mon travail est de transmettre cette information précieuse dans le futur. Je suis certaine que notre malchanceuse postérité voudra savoir comment cela est arrivé.
Je ne pense pas que l'atome soit dangereux en lui-même. Il ne devient mauvais qu'entre des mains humaines. Dans de bonnes conditions, l'atome sous certaines formes peut servir l'humanité, sous des conditions dans lesquelles il n'y a pas de guerres, que l'atome n'appartienne pas aux communistes, aux capitalistes, aux islamistes ou aux terroristes. Le problème est que la vie des nations n'est que guerres et agitations ; et les communistes, les capitalistes, les islamistes et les terroristes sont toujours les premiers à vouloir posséder l'atome. Ils disent : ce sont d'inexcusables erreurs dans la conception des réacteurs qui rendent l'atome dangereux ; moi je dis : CE SONT D'INEXCUSABLES ERREURS DANS LA CONCEPTION DU GENRE HUMAIN QUI RENDENT L'ATOME DANGEREUX.
Dans une page, en parlant du "Bois Rouge", je plaisantais en disant que je brillais dans le noir. La radiation n'est pas visible. C'est seulement une expression courante. Les radiations de très haut niveau peuvent être visibles sur un film, cela dépend de la marque de la pellicule. Elles apparaissent comme de petites étincelles. La radiation est visible sur la vidéo, "Le dernier jour de Pripyat". L'auteur de cette vidéo, Michail Nazarenko, tournait un film sur une centrale nucléaire et se trouvait être à Pripyat. Il a donc aussi filmé son évacuation.
Fukushima a été le plus horrible événement dans ma vie. Après le 11 mars, j'ai compris que Fukushima est l'émissaire de tous les futurs accidents nucléaires. L'histoire de Tchernobyl est l'histoire d'une lutte, elle a donné naissance à un puissant mouvement de protestation. De nombreux réacteurs et projets de construction de réacteurs ont été arrêtés dans le monde entier. De l'autre côté, Fukushima a été une défaite absolue pour l'humanité. Nous avons perdu cette bataille pour Fukushima essentiellement parce que, dans les dernières décennies, les industries se sont renforcées et l'humanité devenait de plus en plus stupide. Aussi, lors de l'accident de Tchernobyl, l'Ouest était opposé à l'Union Soviétique. Gagner la guerre froide était la priorité alors, pour vaincre l'URSS, les puissances occidentales se sont rangées du côté des victimes de l'accident. Ainsi, Tchernobyl est devenu un désastre international alors que Fukushima est ignoré parce que le Japon est un allié, donc les puissances de l'ouest sont aux côté du gouvernement japonais.
Je me souviens de la couverture médiatique qui a suivi la catastrophe de Fukushima en 2011. Elle a été incessante, 24 heures sur 24, pendant environ deux semaines puis, comme si un interrupteur était tourné, tout s'est arrêté ! Les vraies nouvelles pour nous informer ont complètement cessées, remplacées par de fausses nouvelles, des "fakes", destinées à nous désinformer. Fukushima avait surpris les autorités avec le pantalon baissé et il a fallu deux semaines entières à l'industrie nucléaire pour trouver comment cacher les vraies nouvelles et les effacer complètement. Je suis certaine que, la prochaine fois, ils réagiront beaucoup plus vite. À mesure que la tension monte partout dans le monde, les gouvernements du monde garderont probablement tout le temps leur doigt posé sur l'interrupteur des informations.
En septembre 2017, ma fille a réalisé une vidéo nommée "Vol au-dessus de Rossoka". Cela concerne le plus important cimetière radioactif de Tchernobyl. Plus de 1400 véhicules militaires, camions de pompier, tanks, hélicoptères ont disparus de cet endroit et aucune explication n'a été donnée par notre gouvernement. Ils ont seulement raconté que ces véhicules ont été réparés et envoyés dans la guerre en Ukraine de l'est. Si c'est vrai, cela explique pourquoi l'Ukraine a perdu 10% de son territoire. En fait, les séparatistes n'ont pas besoin de gaspiller des cartouches, il leur suffit d'attendre que les soldats, à l'intérieur des chars, tombent sous les radiations. Autant que je m'en souvienne, les taux de radiations auprès de ces véhicules étaient 700 ou 800 fois supérieurs à la normale. Mon père m'a dit que son compteur Geiger près de certains chars indiquait 20 à 30 milli-roentgens de qui est 2000 à 3000 fois un taux normal. Maintenant, tous ces métaux sont fondus et vendus de par le monde. Quelqu'un au Canada, en Chine ou en Australie est en train de mourir sans savoir qu'il est une autre victime de Tchernobyl.
Une photo de cet endroit. Le panneau indique une contamination supérieure à 7 milli-roentgens, c'est 700 fois plus élevé que la normale.
"La Ville Fantôme" et "La Terre des Loups" décrivent comment je voyais Tchernobyl quelques 17-19 années après l'accident, aussi je ne pouvais pas mettre à jour mes informations quant aux taux de radiation, les nombres de gens vivant dans tel ou tel endroit, etc.
Quelques photos ne sont pas les miennes. Je les ai mises sur mon site avec la permission de leurs auteurs respectifs : Richard Willson, Philip E. Berghausen, Alexander Sirota. Je remercie tous ceux qui m'ont aidée pour ce site et ceux qui m'aideront encore
La chanson "Ghost Town" (La Ville Fantôme) est un cadeau unique qui m'a été fait par le duo musical "Huns and Dr. Beeker".
J'essaie d'éviter la terminologie scientifique et fondamentalement je tente de parler des faits sophistiqués avec des mots simples. Si quelque chose n'est pas clair, s'il vous plaît, consultez le Glossaire.
Le côté scientifique de cette histoire relative à la radioactivité de l'Américium est un terrain incroyablement complexe et il est presque impossible pour quiconque de s'y retrouver. La différence entre les tests de radiations en laboratoire et les radiations dans la réalité est aussi grande qu'entre un stand de tir et le combat réel. Tchernobyl est une guerre et dans une guerre le pire est que les officiers soient des diplômés de l'école militaire sans expérience réelle. Leurs soldats ne sont que de la chair à canon. C'est ce qui s'est passé à Tchernobyl. Dans une vidéo historique et rare, qui n'est pas montrée à la télévision, qui montre des gens qui ont été ultérieurement nommés responsables du nettoyage des conséquences de l'accident de Tchernobyl. La vidéo est la partie en N&B de cette vidéo. Deux ans après le tournage de cette vidéo, la vie de plus d'un demi-million de liquidateurs étaient entre les mains de ces adeptes suicidaires.
Si vous voulez savoir qui, parmi les "experts" autoproclamés du nucléaire, est vraiment un expert, il suffit de vérifier s’ils seront encore là dans quelques décennies. Beaucoup se sont prétendus « experts » et ont fait des vidéos montrant des taux de radiations élevées, mais ils n’ont pas fait de vidéos d’eux-mêmes en train de mourir sous le rayonnement auquel ils s’exposaient. Avec l’empoisonnement nucléaire, quand on prend conscience des symptômes, il est déjà trop tard et la mort est en chemin. Il semble que le mantra de "l’expert" soit "nous ne sommes pas morts, nous ne sommes pas morts" et, soudain il y a beaucoup de morts ! Ceux qui sont hors-jeu n’étaient pas des experts. Je n’accepterai jamais de conseils venant de ceux qui ne savent même pas comment préserver leur propre vie.
Les vrais experts de Tchernobyl sont très rares. C'est parce que les radiations tuent les gens avant qu'ils terminent leur formation. Comment pourrait-on devenir expert si l'on ne peut passer qu'un temps limité sur le site. Par exemple, à l'intérieur du sarcophage, il y a des endroits où l'on ne peut travailler qu'une heure dans toute une vie. Lors de mes voyages à Tchernobyl, j'ai remarqué que les guides de Tchernobyl sont toujours nouveaux et jeunes. Soit ils viennent d'une agence gouvernementale ou bien ils sont autodidactes, peu importe, il y a toujours de nouveaux visages. Les vieux guides seraient experts à présent mais ils ont déjà pris leur dose et ont quitté Tchernobyl. De cette façon, le jardin est toujours vert. Les fruits tombent avant d'être mûrs et le territoire de la poubelle atomique est réservé aux jeunes et incompétents. S'ils commençaient à travailler à l'âge mûr, ils n'auraient plus le temps d'apprendre et s'ils commencent à apprendre jeunes, ils n'atteignent jamais l'âge de la maturité.
En 2010-2011, je voulais créer une colonie d'artistes à Tchernobyl. Fukushima a tué ce projet. Le flux d'artistes s'est tari après ce 11 mars. Avant ils voyageaient avec l'argent du gouvernement, des subventions et après Fukushima les financements ont été coupés et ils devaient voyager sur leur argent propre, argent que n'ont jamais les artistes. Ce projet m'a fait rencontrer beaucoup de gens intéressants, du monde entier.
Quand la stupidité de Tchernobyl rencontre l'art, elle produit toujours des histoires intéressantes. Comme celle-ci - je travaillais sur ce projet de colonie avec un Suisse. C'était un acteur de théâtre. Nous allions assez souvent à Tchernobyl et il n'y avait pas moyen de voyager légalement, alors ce type est allé dans un magasin d'occasion et s'est acheté un costume deux tailles en-dessous de sa taille, un chapeau fantaisie qu'il portait sur le côté et nous sommes partis pour Tchernobyl. Il voyageait avec moi en se faisant passer pour un handicapé. Quand la police nous contrôlait, il tirait la langue, tenait fermement un couronne mortuaire et me laissait parler. Une conversation normale avec la police ressemblait à ceci :
"Qui est cet attardé mental et où l'emmenez-vous ?"
Je répondais : "C'est mon frère et je le conduis sur la tombe de notre grand-mère, il aimait sa grand-mère."
"Mais vous ne vous ressemblez pas comme frères et sœur", a rétorqué la police.
"C'est parce que nous sommes de pères différents."
"A-t-il ses papiers ?"
"Non, il est interné à vie dans un hôpital psychiatrique, et dons, sans papiers."
"Est-ce qu'il parle ?"
"Non, il ne peut pas, avec son traitement."
"Est-il agressif ?"... Et ainsi de suite...
Une horde de sangliers sauvages. Le couple de sangliers, en tête de la colonne, peut être dangereux, ce sont des sangliers combattants, sans peur et agressifs. Je ne sais pas comment ils sont appelés en français, nous les appelons les sangliers "sekach". Ce sont les plus vieux sangliers dont les capacités de reproduction déclinent, alors maintenant, ils protègent leur horde. Il n'y a que les singes et les humains à envoyer leurs jeunes mourir en premier, dans la nature sauvage ils ne gaspillent pas leur héritage génétique. Les jeunes sangliers ne sont pas dangereux, seuls les mâles se battent entre eux pour avoir l'opportunité de s'accoupler et les femelles peuvent être très amicales. Normalement, le femelle dominante est toujours la plus grande et la plus ancienne et peut être très dangereuse quand elle protège un nouveau-né. Rencontrer une maman sanglier dans un espace clos, comme l'intérieur d'une maison, est un très mauvais scénario. J'ai entendu des histoires de gars qui sautaient par les fenêtres à la suite d'un tête-à-tête avec une maman sanglier qui allaitait. Je regarde toujours autour de moi avant d'entrer dans chaque pièce d'une maison et je gère mon déplacement dans la maison de façon que la porte de sortie soit toujours derrière moi et non pas derrière l'animal.
Je n'ai jamais travaillé pour aucune organisation. Mon plus grand bonheur est de pouvoir dire ce que je pense et j'ai toujours su que je resterai libre comme l'oiseau aussi aussi longtemps que je travaillerai pour moi-même. Si je laissais une organisation parrainer mon travail, je leur permettrai de me mettre en cage et de me faire taire. Je devrais dire ce que je suis payée pour dire, pas ce que je pense ou vois.
Dans l'esprit de La Rochefoucauld, ni la mort ni le soleil ne peuvent être regardés fixement. Tchernobyl est une mort, dans sa forme la plus pure ici sur terre, alors, pendant quelques temps, j'ai eu à faire des pauses. Mon travail sur Tchernobyl tournait en rond. C'était comme dans "Hotel California" où vous pouvez vous en aller quand vous voulez, mais vous ne partez jamais.
Je dois partager mes expériences avec d'autres photographes et conteurs. La plupart des photographes prennent d'abord des photos et, ensuite, ils écrivent les commentaires. Je fais ainsi également mais, le plus souvent, j'ai déjà des commentaires et je viens juste chercher à Tchernobyl les photos qui correspondent à ces commentaires. D'un point de vue de photographe, on dirait que je mets la charrue avant les bœufs, mais je suis plus écrivaine que photographe, alors il est plus facile, pour moi, de trouver des photos pour mes commentaires plutôt que d'écrire des commentaires pour mes photos.
J'ajuste toujours ma manière de penser sur les travaux des philosophes anciens, mais quand je fais mes propres écrits, je dois alors fermer les livres et arrêter de lire parce que lire d'autres livres est très nuisible à ma propre réflexion.
L'anglais n'est pas ma langue maternelle et il faut que j'arrive à faire tenir le plus de vérités dans un espace restreint. Pour cela, j'utilise des métaphores et des comparaisons. Cela m'aide d'expliquer un récit inconnu à l'aide d'un narration connue dans sa forme la plus simple, la plus visible et à peu près tangible. Cette méthode d'écriture est très dynamique et est la seule signature d'auteur qui ne peut être copiée ou attribuée à d'autres ; parce que trouver une similitude demande un œil pour les ressemblances entre des choses de nature différentes et des cas fort éloignés les uns des autres... Tant qu'une relation m'est connue comme étant unique, je n'en ai qu'une idée personnelle - en d'autres termes, j'ai l'information ; mais quand je vois la même relation dans deux cas différents, j'ai une idée générale de tout son caractère et c'est ainsi que je convertis cette information en idées. La métaphore et la comparaison établissent aussi la base pour la chute, qui est la partie la plus importante d'une phrase.
Le "Pied d'Eléphant" est une très grosse formation, mais ce n'est vraiment qu'une petite partie du combustible qui était dans le réacteur. L'explosion a enfoncé la base du réacteur et le combustible fondu a coulé hors de l'enceinte du réacteur et s'est déversé dans les pièces et couloirs au-dessous. Ainsi, le réacteur est vide et le combustible n'est pas concentré en un seul endroit. C'est en quelque sorte une bonne nouvelle, parce que cela réduit les risques d'une autre réaction en chaîne. Le dessin ci-dessous nous aide à comprendre comment le réacteur est bâti et où le combustible se trouve à présent.
Ce magma radioactif a un aspect vitreux, parce que le combustible est mélangé avec le sable qui a été systématiquement déversé autour du réacteur.
Si quelqu'un veut plus d'information, cliquez ici pour voir la vidéo qui a été prise dans le soubassement du réacteur n°4 et qui montre le "Pied d'Eléphant".
La quantité de combustible qui reste sous le sarcophage est un sujet de discussion entre scientifiques. Il est difficile de visiter les pièces et les couloirs, parce que le taux des radiations peut y être de 1.000 roentgens et plus. Les scientifiques courent, quand ils traversent un endroit aussi radioactif. Un taux de 1.000 roentgens tue quelqu'un en à peine une heure. Les tenues de protection ne sont pas efficaces. Il n'y a rien qui puisse protéger un être humain contre un tel niveau de radiation.
Jusqu'à ce jour fatal du 26 avril 1986, la centrale électrique de Tchernobyl était une réussite. L'énergie produite dépassait toutes les espérances et sa réputation de sécurité était sans tâche. L'ingénieur qui dessina le réacteur de Tchernobyl se vantait que ce type de réacteur était tellement sûr qu'il pourrait être construit sur la Place Rouge à Moscou.
La centrale de Tchernobyl alimentait en électricité 2 millions de personnes et la nuit était le meilleur moment pour mener un test, parce que la consommation d'énergie était la plus basse. Quand "l'exercice de sécurité" a été programmé ce jour-là, les techniciens faisaient leur travail avec leur confiance coutumière. Le but du test était d'évaluer le comportement du réacteur en cas de "perte de puissance électrique". Mais ce qu'ils n'ont pas compris était combien leur réacteur, de conception soviétique, pouvait devenir instable quand il fonctionnait à basse puissance. Tous les réacteurs fonctionnent sur le principe suivant : en présence du combustible uranifère les neutrons brisent les atomes d'uranium, et démarrent une "réaction en chaîne auto-entretenue". L'énergie dégagée chauffe le combustible et l'eau qui circule autour du combustible se transforme en vapeur entraînant la turbine qui produit l'électricité. Puis l'eau condensée retourne refroidir le cœur.
Dans le réacteur numéro 4 de Tchernobyl, l'uranium est placé dans mille sept cent tubes séparés et entourés de blocs de graphite qui aident à maintenir la réaction en chaîne active. Les barres de contrôle qui absorbent les neutrons ralentissent la réaction. Elles sont relevées hors du cœur pour augmenter la puissance et abaissées pour la diminuer. Pour des raisons de sécurité, au moins 30 barres de contrôle doivent rester en permanence dans le cœur. Cette règle est incontournable... Quel que soit l’état du réacteur, sa capacité à générer de l’énergie nucléaire ne doit pas dépasser la capacité des barres de contrôle à arrêter la réaction en chaine. Ces 30 barres sont placées dans un endroit où elles agissent au mieux sur la capacité du cœur à créer de l’énergie. L'eau de refroidissement absorbe les neutrons résiduels aidant ainsi à réguler la réaction en chaîne. Le risque de cette conception du réacteur est que si l'eau vient à manquer où si elle s'évapore, les neutrons résiduels peuvent accélérer la réaction en chaîne jusqu'à la perte de contrôle du réacteur. C'est ce qui est arrivé à Tchernobyl.
Après la rupture des conduites inférieures qui apportent l’eau de refroidissement au cœur, le réacteur nucléaire est resté entièrement vidé de son eau. Les explosions commencèrent dans les tubes de combustible du réacteur, alors qu’ils commençaient à craquer sous l’énorme augmentation de pression. On ne sait pas exactement combien il y eut d’explosions de vapeur ? Certains parlent de trois ou plus, puis vint l’explosion finale, la plus terrible, la détonation des gaz dans le cœur.
La principale explosion s'est produite essentiellement par la combinaison des faits suivants : 1- Il y avait seulement peu (peut-être moins de 10) barres de contrôle dans le réacteur à ce moment-là, barres qui auraient pu instantanément bouger pour contrer un début d'emballement. 2- La chute des barres ne se fit que lentement – une accélération du quart environ de ce qu'aurait été une chute libre (g/4), au lieu d'être très rapide comme elle aurait dû l'être. 3- Pour faire des économies, l'extrémité (1 mètre) des barres était en GRAPHITE ! Cela provoqua un brusque pic de réactivité qui ne fut pas contrôlé pendant environ un vingtième de seconde.
Parmi les autres défauts, failles et pannes mentionnées, il y avait l'absence d'un couvercle (enceinte extérieure de confinement) suffisant qui a évité une telle catastrophe à Three Mile Island, aux Etats-Unis. Les soviétiques ont souvent été prévenus que les centrales nucléaires sans chapiteau suffisant sont dangereuses, mais ils continuèrent de construire ces centrales parce qu'elles sont 30% moins chères.
Après l'explosion, le seul moyen de ralentir la réaction en chaîne était de bombarder le réacteur par hélicoptères avec des produits absorbant les neutrons et autres produits chimiques. Peu après, beaucoup de ces courageux pilotes moururent. Leurs photos et vidéos ont survécu. Cliquer ici pour voir une vidéo prise d'un hélicoptère.
Ne manquez pas les 6 minutes de vidéo de Vladimir Shevchenko: "Chronique des Jour Sévères"
Ici se trouve la vidéo qui montre les "bio-robots" au travail, c'est leur ultime étape du nettoyage du toit.
Ci-dessous, ce sont les photos de notre premier défilé "milli-roentgen" du 1er mai. Ce fut probablement le seul défilé sans la participation des chefs du parti ni des membres de leurs familles. Comme c'est le cas tout le temps, les "passagers de première classe" ont quitté les premiers le bateau qui coule, aussi leurs familles quittèrent Kiev le 26 avril, dès qu’ils apprirent l'explosion de la centrale nucléaire.
Pas un ne fut puni d'avoir caché la vérité à la population.
Seuls furent punis les gens de la centrale nucléaire. Des photos du procès sont affichées ci-dessous. Un groupe de six employés de la centrale atomique fut condamné à différentes peines de 2 à 10 ans. Seul l'ingénieur adjoint reconnut sa part de culpabilité. "J'ai été coupable, mais le système l'était aussi" dit-il.
En 1991, l'Union Soviétique s'est effondrée. Depuis, certaines choses ont changé : les communistes devinrent des démocrates, les leaders du Komsomol devinrent des hommes d'affaires, les juges et les procureurs devinrent des politiciens et des ministres. Qu'advint-il des gens qui, pour une fois, ont cru en leurs dirigeants et qui vinrent nettoyer la région autour du réacteur ? Chacun, resté seul avec son cancer, sait qu'il ou elle mourra et qu'après sa mort, le nombre des victimes sera toujours de… 31 !!!
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Elena Filatova