elenafilatova.com

Alpha, Bêta, Gamma

Je suis un oiseau de nuit et il m’est difficile de trouver un compagnon pour mes ballades nocturnes. Chaque fois que j’amène quelqu’un ici, il me demande pourquoi nous écrasons les grenouilles à Chernie au lieu de boire une bière dans un café confortable… Je leur dis toujours que fumer deux paquets de cigarettes dans un café peut être plus nuisible pour la santé que de se promener à Vilcha. Ils veulent surtout trouver l’enfer ailleurs qu’ici. Les gens pensent que cette terre est maudite.

Personnellement, je ne crois pas aux histoires de mutants ou de bonhomme de neige de Tchernobyl. Pour moi, c’est un endroit intéressant.

A la périphérie de Vilcha, mon nouveau compteur Geiger portable "Inspector" indique 109 milli-roentgens par heure. Mon ami "Inspector" mesure toutes les formes de radiations connues. Maintenant, il est temps d’apprendre deux ou trois choses simples à propos des radiations.

Les radiations qui nous traversent sont appelées radiations gamma, elles sont cumulatives, s’additionnent, ainsi nous pouvons calculer les dégâts qu’elles font à la santé. Les radiations gamma sont presque identiques aux rayons X. Les rayons X sont d’origine humaine alors que les radiations gamma sont naturelles. Elles sont aussi appelées rayonnement cosmique. Quiconque volant dans un avion à haute altitude est exposé à une dose de rayonnement cosmique de 25 milli-roentgens par heure. Les rayons gamma sont les rayonnements les plus durs par rapport au danger immédiat. Les rayons gamma sont des ondes. Ce sont des balles invisibles qui peuvent tuer en quelques heures. De l'autre côté, les rayonnements alpha et bêta sont des particules qui agissent comme une bombe à retardement. En respirant de la poussière radioactive, ces particules pénètrent dans le corps humain, s’incrustent et en quelques années explosent avec les cellules cancéreuses. Les particules alpha sont les plus lourdes des trois, les particules bêta sont très légères et les rayons gamma n’ont pas de masse du tout. En général, les particules alpha ne peuvent pas parcourir plus de 4-12 cm (1-3 pouces) avant d’être arrêtées, et on peut donc jouer au billard avec des boules de plutonium pur. Les cellules mortes de notre peau arrêteront les particules alpha, et même jongler avec des balles de plutonium ne serait pas dangereux.

Si nous traversons cet endroit où le rayonnement ne dépasse pas 100 milli-roentgens par heure, en une heure nous recevrons la même dose de rayons gamma que le passager d'un avion entre Kiev et Londres, durant les quelques heures de son voyage. Je ne vole pas vers Londres, alors je peux aller à Vilcha où je recevrais la même dose légère.

Malheureusement, nous ne pouvons pas comptabiliser les particules alpha et bêta que nous inhalons, pourtant c’est bien là le risque majeur. Durant la première année après le désastre, les particules radioactives sont restées sur le sol. Je n'aurais plus eu qu'à jeter mes chaussures si j'avais marché sur cette herbe. De même, j’aurais contaminé et paralysé mon compteur Geiger si j’avais osé le mettre en contact avec la surface radioactive. Conduire ici un véhicule découvert serait aussi insensé que d'avaler ces billes de plutonium. Mais maintenant, comme je le disais, les radiations sont descendues dans le sol et les taux ont diminués. Une bonne chose est que nous puissions maintenant voyager dans ces zones avec un faible risque pour notre santé, mais une moins bonne chose est que cette région exhale à présent des radiations venues de ses profondeurs et il devient difficile de faire davantage de progrès dans les procédés de décontamination.

Maintenant, les radiations se logent dans les concombres et les pommes et avoir un compteur Geiger chez le marchand de fruits et légumes est aussi courant que d’en avoir un ici. L'inquiétude principale vient des champignons. Nous en mangeons 6 fois plus que la majorité des américains. Les produits chimiques dans les champignons sont pires que le Césium137 (même si les taux de Césium n’ont pas diminué dans les champignons autant que la demi-vie du Césiums137).

Bon, assez de ces trucs scientifiques, continuons notre voyage à la lumière du jour.

Page suivante