Le presse-purée
Beaucoup de bunkers sont perdus dans ce paysage, enfoncés
dans les bois sur l'ancienne ligne de défense.
C'est notre ami, un enthousiaste historien du coin, expert en
bunkers. Ancien du génie, il a travaillé sur les explosifs et
sait comment en désamorcer la plupart. Une fois, alors que je
lui demandais de m'apprendre à désamorcer une vieille grenade,
il m'a dit qu'un sapeur ne peut faire qu'une seule erreur et ne
peut pas être un amateur. Un sapeur, a-t-il dit, est soit bon,
soit mort.
Ci-dessous, ce sont deux grenades allemandes récemment
découvertes : M-24 et M-39. Nous appelons la dernière "œuf". La
M-24 à son manche en bois d'origine. Elles ne sont pas très
difficiles à trouver, beaucoup de gens dans les villages aux
alentours en ont. Après la guerre, les femmes du coin se
servaient des M-24 en cuisine pour des tâches telles que
baratter le beurre, presser la purée, etc.
Ces deux grenades avaient un bout de corde qu'il fallait
tirer pour que la grenade explose. Ces grenades allemandes sont
connues pour les risques de leur acide picrique. C'est le souci
principal parce que l'acide picrique et l'oxyde de fer
réagissent chimiquement. Ils forment un nouvel élément appelé
picrate, un sel de l'acide picrique dangereusement imprévisible.
En théorie, une telle grenade peut exploser rien qu'en la
laissant tomber ou en la heurtant avec une pelle, mais en
réalité, beaucoup se sont fait sauter en essayant de les
désarmer ou de les démonter pour voir ce qu'il y avait dedans.
Pour ma part, je ne suis pas curieuse à ce point et l'idée de
mettre à feu une vieille bombe ne m'interpelle pas. Beaucoup
d'explosifs sont très dangereux, d'autres moins, mais il n'y a
pas d'explosif sans danger, aussi il vaut mieux se tenir à
l'écart.
Ce bunker est isolé, près de la route. Ici, l'armée allemande
traversa les deux ou trois lignes de défense, puis comme les
combats de rue avait commencé en ville, l'armée soviétique
reprit ce bunker. Plus tard, il a subi l'attaque des chars
allemands et depuis il est en ruines.
Quand j'étais à l'école, je me souviens qu'un soldat et un
officier avaient été trouvés dans ce bunker. L'officier avait un
revolver qui fut donné en récompense. Par son matricule,
l'officier fut identifié, sa famille retrouvée, et il fut
enterré correctement.
Sur la ligne de défense, les pertes s'élevèrent à 40.000
morts dans chaque camps, les armées bougeaient rapidement dans
cette bataille et beaucoup de choses furent laissées éparpillées
sur les champs de bataille. Dans les années 80, il n'était pas
rare de trouver une boucle de ceinturon ou une baïonnette sur le
sol.
Trouvaille intéressante, la "rose" a dû être
faite par un éclat d'obus arrivé en face de la tête du soldat.
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